Manager dans la complexité

On n’avait pas vu cela depuis plus d’un demi-siècle ! Le chômage touche moins de 5 % des actifs dans les pays de l’OCDE (1) et ce depuis quelques mois. Dans ce contexte, les salariés démissionnent de leur CDI, à l’instar de leurs pairs outre-Atlantique. Oui, mais pour quoi ?

Si les salariés osent prendre le « risque » de la démission, c’est qu’après une période COVID, ils ont révisé leurs perspectives et repensé leur rapport au travail. Certains démissionnent pour quelques poignées d’euros, mais beaucoup sont moins « mercenaires » qu’il n’y paraît. Ils exigent une affectio societatis qualitative c’est-à-dire une considération de l’employeur, un lien de qualité qui puisse les rassembler en interne et les différencier à l’externe. Leur quête : une entreprise où il fait bon vivre, où le cap commun est partagé, où l’on est sûr de pouvoir évoluer, où la hiérarchie est capable de s’ajuster, où la communication est fluide. Comment les entreprises font-elles face à cette nouvelle exigence pour influencer, capter et fidéliser les talents ?

La créativité dans le camp des employeurs !


Il n’est plus temps de la chasse de têtes car les trophées ne restent pas longtemps sur les étagères. Il importe de saisir les motivations et les attentes de chacun. Aujourd’hui, les employeurs font face à un nouveau défi : faire la preuve de leur engagement pour la société et pour leurs salariés. Les employeurs ne peuvent plus miser sur les seuls avantages salariaux. Les travailleurs exigent des avantages impalpables : un mode de management bienveillant, une communication transparente, un esprit détendu et efficace. Dorénavant les recruteurs doivent faire preuve d’imagination, et pas seulement sur le papier ! Une année sabbatique offerte, des aménagements d’horaires calés sur les temps scolaires, des plateformes de locations de logement, un télétravail fulltime, des temps de vacances choisis, des coachings sportifs, des soutiens pour des engagements associatifs. Ils rivalisent d’idées nouvelles.

L’au-delà de la négociation


On a dépassé le stade de la corbeille de fruits frais et de l’arbre de Noël pour capter les talents. Finis aussi les seuls leviers de salaires ou de véhicules de fonction ! Les salariés imposent une négociation serrée. Ils ont pris conscience qu’ils ont le dernier mot dans un contexte de pénurie. Les employés des cafés restaurants font la fine bouche, les salariés des entreprises IT exigent de n’être pas des matricules, les métiers de service à la personne cherchent davantage d’écoute, les grandes marques de luxe peinent à recruter. En cause, le sens ? Deux choix s’offrent donc aux recruteurs : réduire leur carnet de commandes ou entrer dans une nouvelle ère fondée sur l’écoute et sur une adaptation à l’organisation. La négociation s’étend, elle ne se réduit pas aux prétentions salariales. Dès lors, il est nécessaire de savoir quelles sont les non-négociables et les points d’adaptation. Les recruteurs qui intègrent le bien-être (mesurable) dans leurs objectifs ont tendance à prendre le temps de construire le recrutement, d’intégrer les nouveaux talents et de suivre régulièrement leurs salariés. Ce lien d’écoute, d’ajustement et de négociation devient un fil de vie décisif pour que la collaboration s’ancre dans le temps.

Les débuts comptent, même dans les marathons !


De la publication de l’offre d’emploi aux premiers entretiens jusqu’aux premières semaines d’intégration, l’entreprise se doit d’être à l’écoute des besoins et des attentes des candidats devenus collaborateurs. Chaque étape est l’occasion d’évaluer l’adéquation entre les discours et les actes. C’est pourquoi accueillir un nouveau collaborateur signifie aussi préparer les conditions de son accueil : mentoring, soirée d’intégration, points réguliers, présentation de l’équipe, événements, partage de la vision, appropriation du sens de la mission… Une sorte de parcours sur mesure pour que chacun s’y retrouve, le plus rapidement et le mieux possible. Attention à ne pas s’essouffler pour les fonctions RH car il est tentant de se focaliser sur les « nouvelles têtes » là où chacun doit se sentir accompagné sur la durée. L’image de l’entreprise c’est d’abord ceux qui la font, a fortiori ceux qui l’ont construite chaque jour.

L’esprit d’équipe n’est pas un vain mot. Le bon fonctionnement interne, le partage du sens et de la vision, la communication choisie ou les process de « people review » fondés sur l’humain sont autant d’éléments factuels qui décideront les candidats. Et ce autant que le salaire !

(1) Nous dit Les Échos.