L’art, l’émotion et le management

Ils s’accordent, nous nous accordons.


Hommes et Projets
a fait intervenir le quatuor Annesci dans le cadre d’un séminaire CACIF (Crédit Agricole, Capital Investissement Finance). Les quatre musiciens, interprètes talentueux de renom, ont développé -avec leurs instruments- une approche singulière du management envisagé selon un prisme artistique. Il s’agit pour eux de proposer « une autre vision, (celle) d’un management constructif, à puissante portée artistique, pédagogique et humaine [1] ». Forts de leur expérience, ils constatent que les problématiques d’un ensemble musical ne sont pas éloignées de celles d’une entreprise : projet collectif et expression individuelle, autonomie et interdépendance, accords et désaccords, freins et audace, engagement personnel et responsabilité partagée, application et interprétation, urgence et anticipation. Les participants à la formation, séduits par le parallèle, ont été enthousiasmés par la prestation musicale offerte (ce qui n’était pas évident). D’emblée, l’expérience musicale apaise les consciences, touche les cœurs, fait entrer dans la sphère des émotions. Ce moment plaisant permet de créer du lien entre les personnes avant même de créer du sens.

« Souvent la musique me prend comme une mer » C. Baudelaire


Sous son apparente simplicité, la musique amènerait à un sens plus profond. De même que la métaphore poétique parle du sens en éveillant les sens, de même que la peinture en appelle à notre subjectivité, la phrase musicale emporte à l’unisson et réunit par l’harmonie. Le mouvement spontané de la musique emporte l’adhésion et l’engagement du public. Dans ce climat de confiance, de disponibilité et d’ouverture, le public perçoit avec plus d’acuité ce qui l’entoure et gagne en intelligence [2]. La communication s’établit à un tel degré de perfection que la respiration se fait à l’unisson, les énergies se combinent positivement. La force de la métaphore artistique résiderait dans sa capacité à détourner pour mieux atteindre sa cible/objectif.

De l’émotion à l’e-motion


L’émotion, c’est ce qui nous émeut. Elle semble à première vue éloignée du cadre professionnel et décisionnel. Elle peut même apparaître comme un écueil dans la prise de décision objective. Pourtant, des études assez récentes de la neurologie montrent qu’« on ne peut pas faire de choix rationnels sans émotions » [3]. La théorie du neurologue américain Mc Lean, aujourd’hui validée par de très nombreuses études scientifiques, va dans ce sens. Ses études sur l’évolution des espèces lui permettent d’affirmer que l’être humain possède trois cerveaux : le reptilien, le limbique, et le néo-cortex. Le cerveau limbique (ou cerveau émotionnel) intervient pour sélectionner les meilleurs scenarii envoyés par le cerveau cognitif lors de prises de décision. Le cerveau émotionnel privilégie les décisions qui s’accordent avec les intérêts et les valeurs de l’individu sur la base de son vécu. L’émotion serait donc étroitement liée à l’e-motion c’est-à-dire l’énergie en mouvement (réflexion-décision). Dès lors, se rendre disponible émotionnellement, développer sa sensibilité serait un idéal vers lequel tendre pour optimiser ses prises de décisions, baisser son niveau de stress et augmenter ses performances.

 

Pour aller plus loin 

– Dans un article très sérieux du Cairn sur les sujets « émotion et prise de décision », on peut lire cet extrait intéressant: « Dans la situation d’une prise de décision, le cerveau cognitif et le cerveau limbique (émotions) envoient des messages de concert. Le cerveau cognitif fait l’inventaire des conséquences de chaque choix probable. Il envoie chaque scénario au cerveau limbique qui intervient comme le bureau de douanes. Ce dernier sélectionne les meilleurs scénarios, ou les messages les plus pertinents. Pour chaque message reçu, il envoie un message directement à la partie du cerveau qui déclenche les mouvements corporels, à partir du ressenti de l’individu sur tel ou tel scénario » Ceci permet à l’individu de percevoir rapidement et distinctement le message. Enfin, il stocke les meilleurs scénarios, soit ceux qui correspondent le mieux aux valeurs, intérêts et vécus de l’individu, travail toujours effectué de concert par les deux parties du cerveau. Le processus se poursuit, ainsi, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un choix, le meilleur, selon la perception de l’individu. »

– sur la notion d’intuition managériale.

[1] Site Annesci.
[2] L’intelligence est ici entendue comme la capacité à faire des liens entre les données, les choses, les gens.
[3] Les travaux de Damasio (1994, Université d’Iowa, USA) font référence sur le sujet. Sur la dimension neurobiologique des émotions, le travail de Catherine Belzung est intéressant.