Face à la crise, le court-terme est-il la seule urgence ?

L’imprévisibilité de la crise sanitaire a engendré une crise économique dont nous ne connaissons pas encore tous les aspects et les contours. Une récession extraordinaire, des plans sociaux multiples, des secteurs en crise profonde ; les conséquences sont terribles. Au-delà, c’est aussi des pressions nouvelles qui s’exercent à l’interne et à l’externe. De nombreux salariés souhaitent voir leur temps de travail et les conditions de travail évoluer avec par exemple un maintien du télétravail. Le management de proximité se trouve plébiscité et on demande à tous un engagement renouvelé. La pression externe se fait sentir : maintenir un haut niveau de performance, limiter des pertes financières importantes, s’engager dans une véritable transition écologique avec une réduction des émissions de gaz à effets de serre.

Cette crise est aussi une opportunité formidable. L’opportunité de faire autrement, la possibilité de faire un pas de côté. Pour l’heure, l’urgence est à la relance à tous les niveaux ; dans les entreprises comme au niveau étatique. Ainsi, jamais l’Union Européenne n’aurait été amenée à emprunter en commun pour relancer et soutenir son économie sans cette situation inédite. Jamais les gouvernements n’auraient été si pressés de soutenir l’hôpital public. Jamais, nous n’aurions été si attentifs à la question de l’autonomie, à celle de la « souveraineté » nationale ou plutôt européenne. Il ne faut jamais dire jamais, dit-on.

Toujours est-il, qu’aujourd’hui, comme le dit Jeremy Rifkin dans La troisième révolution industrielle, nous avons besoin d’un rêve collectif puissant pour nous projeter dans un monde nouveau et désirable. C’est à cela que sert la vision. Au cœur des périodes de mutations, construire et partager un cap, c’est permettre à chacun de donner du sens à son action. Dans la tourmente, la vocation et l’ambition d’une entreprise, d’une nation ou de plusieurs pays, constituent le phare capable de garder espoir et de croire en ses rêves.

Pourtant, la vision partagée n’est rien sans le chemin qui conduit à la réalisation du rêve. Ce chemin nous le balisons et responsabilisons chacun.e à travers des priorités et des plans d’actions. Tournées vers la réalisation, ces décisions nous engagent. Bien sûr, elles sont soumises à la contingence du réel : aux menaces et aux opportunités. A ce titre, elles doivent être confrontées régulièrement à ces aléas ou à leur potentialité pour s’ajuster au mieux.

Les risques nous le savons, sont le plus souvent imprévisibles. Bien malin aurait été celui capable de prévoir cette crise ! Pour autant, évaluer les risques à l’aune de certains critères ou ressentis permet parfois de s’adapter plus rapidement. Pourtant, si nous ne pouvons pas anticiper ni prédire l’avenir, au moins pouvons-nous rester alertes et agiles. Ainsi, les entreprises qui ont le mieux résisté à la crise sont celles qui connaissaient une grande fluidité dans les échanges avant la crise, celles qui avaient développé une confiance entre les collaborateurs, qui savaient être réactives grâce à l’engagement et à l’autonomie de chacun.e.

C’est pourquoi, plus que jamais, construire une vision d’entreprise nous apparaît essentiel. Il s’agit de voir loin ensemble, tout en manœuvrant habilement pour tenir le cap. La tentation est souvent forte de céder au court-termisme. Pourtant, face à des risques élevés et à des pressions de toutes parts, le meilleur allié reste la puissance d’une vision partagée. Cela n’empêche pas de mesurer et d’anticiper des ajustements, de prendre en compte les risques, de rester vigilant.e, de prendre soin des collaborateurs, et toujours, de donner du sens à l’engagement.